La mort
D’elle – la frontière ultime, l’irréversible traversée – je ne sais rien – quel vivant pourrait d’ailleurs s’en prévaloir ? Et comment éviter d’être sentencieux face à un tel sujet ? Passage obligé, elle est passage avant tout. (Je pense tout à coup au fascinant film d’Alain Resnais, L’Amour à mort, au personnage de Simon – interprété par Pierre Arditi – revenu d’entre les morts, et à ces saisissantes séquences abstraites où, sur l’image soudain parsemée de flocons de neige artificielle, la musique de Hans Werner Henze semble surgir des limbes.) Mieux vaut tenter de suivre ce que les artistes pressentent, l’approcher à travers les sons et les sensations : suivant la pulsation cardiaque, le rythme littéralement haletant du Papillon noir, monodrame composé par Yann Robin sur un livret de Yannick Haenel, dont la protagoniste s’aventure au seuil de ce « pays après les ombres » ; suivant le flot d’images, collision de flashes et d’hallucinations, qu’explore le musicien Franck Vigroux avec Flesh, mêlant danse et vidéo… États-limites, états uniques, « redistribution de la sensibilité » qui font écho à ces gouffres traversés par Henri Michaux lors de ces expéditions psychotropes, périples synesthésiques et puissamment poétiques dont La Ralentie, aujourd’hui mis en musique par Pierre Jodlowski, porte aussi les échos… Musique intensément vivante.