Les frontières
« En art point de frontière », écrivait Victor Hugo au détour de Tas de pierres. Il me semble pourtant que les spécialistes de tout poil comme les institutions n’ont eu de cesse d’en ériger, entre les disciplines ou les esthétiques, alors que tant d’artistes, compositeurs et/ou interprètes, s’en jouent allègrement. Je pense au Quatuor Béla, collaborant avec Albert Marcœur aussi naturellement qu’avec des musiciens du Mali ou de Palestine, des danseurs ou des comédiens, à l’ensemble Links, qui compte dans ses rangs performeurs, compositeurs et scénographes – je pense en fait à la plupart des spectacles présentés dans le « cadre » (le mot semble en l’occurrence si mal approprié) de cette Biennale, qui semblent vouloir transposer au domaine musical ces mots de Franz Kafka, chers au cœur de l’écrivain Yannick Haenel : « Toute littérature est assaut contre la frontière »... Ce mot de « frontière » m’évoque surtout irrésistiblement celui de « traversée », de « passage » : la frontière, n’est-elle pas le point de départ de toute exploration ?