Prélude à la mer
Type : projection triptyque
Prélude à l’après-midi d’un Faune
Le Prélude à l’après midi d’un faune sur la musique de Claude Debussy d’après le texte de Stéphane Mallarmé, est le sublime poème musical de l’éphémère, de l’absence, de la disparition. Un faune se demande si les nymphes qui ont échappé à ses assiduités amoureuses n’étaient pas après tout, qu’une chimère : aimais-je un rêve ? ...Perpétuer ces nymphes, faire durer l’éphémère, s’approprier ce qui ne peut que disparaître… Nous avons le projet de confronter la chorégraphie d’Anne Tersa De Keersmaeker, servie par deux interprètes « de rêve » Marc Lorimer et Cynthia Loemij à la dureté d’un lieu catastrophe : le site d’une mer en voie de disparition, la mer d’Aral. Un « faune » androgyne (par jeu de substitution homme/femme) se perd dans la quête impossible de retenir ce qui ne peut que disparaître. Il/elle trace les mouvements de son inassouvissement, en errant dans l’empreinte de la mer qui fut … : steppe de sel, paysages au sol craquelé, tempêtes de sable, cimetière d’épaves de bateaux, phares en plein désert, villages fantômes ensablés sous le vent. Lorsqu’il/elle trouve enfin le rivage actuel, au dernier plan du film, l’image de la mer à son tour disparaît en un long fondu au blanc.
L’empreinte de la mer d’Aral
S’agissant de l’univers, du décor donc, il fallait sans conteste se démarquer très franchement de l’espace scénique. Mais le lieu restait encore à définir. Ce n’est qu’au terme d’une longue recherche que la mer d’Aral s’est imposée à nous : lieu extrême s’il en est, lieu de tous les contrastes (climatiques, chromatiques, topographiques, politiques, …) la mer d’Aral est à elle seule l’allégorie de notre monde dans son entier menacé d’une disparition certaine. Une mer en creux, asséchée, qui se résorbe inexorablement, laissant ce jour derrière elle un désert salé et désolé de 28 000 km. Un monde en perdition qui rappelle celui du Faune dont on ne sait s’il l’a rêvé. Dans ce décor naturel qui confine à l’abstraction par ses textures, la façon dont elles accrochent la lumière, ses arêtes et aridité, la figure du Faune peut se déployer avec force, ses mouvements se délier en des phrases chorégraphiques ajoutant à la légende.
Seul au monde et au centre de la focale.
Filmer l’éphémère, laisser une trace – car quoi de plus éphémère que le mouvement – dans un monde sur le point de disparaître nous semble dès lors être une proposition valide car d’un côté solidement ancrée dans l’imaginaire mais de l’autre résolument ouverte sur le monde et ses soubresauts, ses aberrations aussi. Il s’agit donc de mettre en place une série de stratégies filmiques pour devenir des alliées de la danse, en vue d’une compréhension plus profonde de cette écriture du corps en mouvement, dont la beauté délétère, prisonnière de l’instant scénique, offre peu de prises à la connaissance et à la reconnaissance de ses aspects les plus enfouis, les plus complexes, parfois les plus riches …
Les traces de cette « encre » qui s’effacent au fur et à mesure, dont l’aspect fugace nous bouleverse car sans aucun doute, il préfigure notre propre disparition et fait écho à notre précarité tout en prétendant défier la force de gravité. Ces traces pourront-elles être retenues un instant de plus à notre attention grâce à l’action de nos images et de nos sons ?
Thierry De Mey
Thierry De Mey, Prélude à la mer (20’), 2010
Thierry De Mey : film
Anne Teresa De Keersmaeker : chorégraphie
Sur le Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy
Brussels Philharmonic
Vlaams Radio Orkest : interprétation
Michel Tabachnik : direction
Mark Lorimer et Cynthia Loemij : interprétation danse
Philippe Guilbert : directeur de la photographie
Aliocha Van der Avoort : cadreur
Xavier Meeus : son et mixage
Boris Van der Avoort : montage
Isabelle Boyer : montage son
Production Charleroi Danses, Sophimages, Rosas, Eroïca productions
©Thierry De Mey ©DR