Cosmos · F. Fiszbein · J. Osinski · Y. Chapotel

26€ / 23€ / 16€ / 10€ / 5€ | Dès 16 ans | 1h

Pensez au Pass biennale !

Qu’est-ce qu’un roman policier ? Un essai d’organiser le chaos. C’est pourquoi mon Cosmos, que j’aime appeler “un roman sur la formation de la réalité”, sera une sorte de récit policier.

Voici ce qu’explique l’écrivain polonais Witold Gombrowitz (1904-1969) dans son Journal, quand il envisage l’écriture de son dernier roman, son œuvre la plus intrigante : Cosmos (1964). C’est l’histoire de deux jeunes garçons, Witold – comme l’écrivain – et Fuks ; l’un est lassé de ses parents et l’autre de son travail. Ensemble, ils décident de loger dans une maison aux chambres à louer pour étudier. En chemin, ils croisent un moineau pendu à une branche. Une fois arrivés et installés dans leur chambre de location, Witold remarque par un jeu de perspective, que les bouches de la servante Katasia et de Léna, fille de la propriétaire se sont rejointes en l’espace d’un court instant. Celle de la servante est déformée, inhumaine et celle de Léna pure et innocente. Les associations entre laideur et beauté, dégout et sensualité, impureté et pureté incarnées par les deux femmes provoquent chez Witold son basculement dans un monde ambivalent entre fantasmes et pensées obscures. À partir de ces deux événements inattendus, une mystérieuse enquête débute pour les deux protagonistes à la recherche du coupable de la pendaison de l’oiseau. Des personnages loufoques et des évènements inattendus les plongent dans un nouvel univers obsessionnel et absurde.
Gombrowitz crée dans son roman un macrocosme, grâce à un microcosme surabondant. Les détails sont au cœur du récit ; le regard de Witold se pose sur une multitude d’objets, de caractéristiques physiques, d’ombres ou de reflets. Cette accumulation de détails construit ce nouveau macrocosme, sous l’apparence d’une intrigue policière.

Les situations, parfois absurdes sont théâtrales et s’appliquent parfaitement au dispositif de l’opéra. C’est ce que le compositeur Fernando Fiszbein, le metteur en scène Jacques Osinski et le scénographe-vidéaste Yann Chapotel tentent de construire pour leur deuxième collaboration avec l’opéra organique Cosmos. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que la prose et l’univers atypique de Gombrowitz est adapté sur une scène lyrique : Les Possédés a été mis en scène en 2010, ou encore Yvonne, Princesse de Bourgogne, a été sujet de quatre mises en musique différentes.
Revenons à Cosmos, l’opéra multiplie les dispositifs scéniques : le théâtre, la musique et le cinéma. Toutes ces dimensions parallèles tissent les cheminements psychiques de Witold, toujours obsédé par une multitude de micro-événements qui se répondent de près, ou de loin. Les dix artistes présents sur scènes – acteurs et musiciens – participent tous à l’action, et partagent un vaste effectif orchestral original entre acoustique et électronique : une voix soprano, une voix baryton, un violon, un trombone, un piano, des claviers, des flûtes, des clarinettes, des saxophones, des percussions, une contrebasse, une basse et une guitare électrique. Mais ce n’est pas tout ! Une multitude de méta-instruments, ou d’objets sonores s’y ajoutent : ce sont des nouveaux instruments crées avec des objets du quotidien. Ils sont mis en vibration par voie électronique grâce à un procédé inédit concocté par Max Bruckert, Réalisateur en informatique musicale du GRAME. Au même titre qu’un leitmotiv – procédé cher à l’opéra – ces instruments originaux timbrent des situations précises qui mêlent des objets, centre des obsessions d’un Witold et d’un Fuks engagés dans ce labyrinthe psychologique et délirant.
Cet ensemble instrumental propose des timbres crus, bruts, sans véritable orchestration. Quant à la musique de Fernando Fiszbein, elle s’accorde parfaitement avec la théâtralité des situations et du récit. Très inspiré par le théâtre musical, le compositeur tient à créer un tout organique qui intègre musique, théâtre, cinéma, littérature et arts plastiques. Les liens entre littérature et musique ont tissé les deux premiers opéras du compositeur : Avenida de los Incas 351 (crée en 2015) et L’Homme qui aimait les chiens (crée en 2022). Pour son troisième, toutes les disciplines sont au service de l’œuvre de Gombrovitz ; elles se répondent et construisent l’œuvre-monde qu’est Cosmos.

Irène Hontang

Cosmos est le troisième opéra de Fernando Fiszbein. Né à Buenos Aires et installé en France depuis le début des années 2000, ce compositeur féru de littérature choisit comme source d’inspiration le roman éponyme de Witold Gombrowicz, dans un livret qu’il rédige en collaboration avec Marie Potonet. Ce livre, écrit entre 1961 et 1964, tisse une histoire policière au fil de l’errance du narrateur Witold et de son compagnon Fuchs.

Comme le précise Gombrowicz, « ce roman a pour thème la formation même de cette histoire, c’est-à-dire la formation d’une réalité. [...] Cosmos est un roman qui se crée lui-même, en s’écrivant. » En quête d’une pension de famille pour fuir les parents de Witold, les deux jeunes hommes font l’étrange découverte d’un moineau pendu. Le narrateur verra plus tard les bouches de la fille de la maison, Lena, et de la servante, Katasia se rapprocher.
Ainsi, au fil de ses fantasmes, de sa perception en évolution et des méandres de son âme, il construit progressivement un monde à nos yeux, par ses observations des lieux, des objets du quotidien, des situations ou des personnages.

Pour le matérialiser, Fernando Fiszbein fabrique des instruments loufoques et s’entoure des talents du metteur en scène Jacques Osinski et du vidéaste Yann Chapotel, une équipe de fidèles déjà réunis en 2015 pour son premier opéra Avenida de los incas 3518. L’équipe de GRAME conçoit un dispositif de mise en son électronique des objets. Dans Cosmos, musique, chant, théâtre et vidéo se combinent idéalement dans un spectacle où deux acteurs, deux chanteurs et six musiciens mènent l’intrigue, sous la direction d’Alphonse Cemin.

Texte d’après Witold Gombrowicz

Fernando Fiszbein: musique

Fernando Fiszbein, Marie Potonet : livret

Jacques Osinki : mise en scène

Yann Chapotel : scénographie, vidéos

Catherine Verheyde : lumières

Hélène Kritikos : costumes

Alphonse Cemin : direction musicale

Grégoire Tachnakian, David Migeot : comédiens

Léa Trommenschlager, Vincent Vantyghem : chant

Rôles : Grégoire Tachnakian (Witold), David Migeot (Fuks), Léa Trommenschlager (Bolita), Vincent Vantyghem (Léon)

Ensemble 2e2m :

Apolline Kirklar : chant et violon

Clément Caratini : flûtes, clarinettes, saxophones

Lucas Ounissi : trombone

Kim Chae Um: piano et claviers

Élisa Humanes : percussions

Simon Drappier: contrebasse, basse et guitare électrique

Max Bruckert: réalisateur informatique musicale GRAME